Pourquoi les grands maîtres, ceux qu’on considère comme éveillés, pratiquent-ils beaucoup ? Dilgo Khyentsé faisait des pratiques tous les matins de 4 h 30 à 9 heures. Jean Klein de 3 heures à 8 heures. Le Dalaï-Lama aussi. Il doit bien y avoir une raison.

Et pourquoi nous, qui ne sommes pas éveillés, pourrions-nous nous contenter d’une demi-heure ou d’une heure, si ce n’est de rien du tout ?

D’abord, je pense que la pratique donne l’énergie et l’inspiration pour effectuer tout le travail que ces être éveillés accomplissent dans la journée, et donne aussi l’inspiration qui permet de rester dans la vue, et de maintenir la foi et la dévotion, ainsi que l’amour et la compassion pour tous les êtres. La pratique formelle, si elle est un peu une pratique du corps (yoga, qi gong), est aussi une pratique de l’énergie (respiration, voix), mais surtout une pratique du cœur (méditation, dévotion, amour bienveillant, prières, rituels, mantras). Et c’est sous doute cela qui est le plus important et qui manque souvent en Occident, dans les sociétés laïques où ces aspects (tout ce qui peut paraître religieux ou mystique) sont rejetés. On ne se concentre alors que sur le mental au détriment du cœur ; on préfère le scientifique au religieux et on obtient les sociétés matérialistes dont le dieu est l’argent et le profit. L’ouverture du cœur n’a pas lieu et les gens deviennent des victimes égoïstes et assistées. Si le mental permet de comprendre les enseignements au niveau intellectuel, c’est le cœur qui permet de les réaliser. Le travail corporel lui non plus n’est pas suffisant pour atteindre la réali­sation, il permet peut-être de calmer le mental, mais pas d’ouvrir le cœur. Le travail du cœur est aussi la contemplation des émotions, comme la préconise Richard Rudd*. Mais ce qui est peut-être le plus important, c’est la foi et la dévotion pour un principe supérieur, que ce soit un dieu, une déité, les Trois Joyaux, la pure conscience, la nature de bouddha ; c’est la réalisation de ce principe supérieur et l’unité avec lui qui est la véritable réalisation et qui provoque l’éveil ou l’illumination. Et cela, c’est la pratique qui peut le faire mûrir. La grâce, c’est bien joli, mais si on ne la cultive et ne l’invoque pas, elle n’est pas près de se manifester.

Certains pensent autrement, mais comme ils ne sont généralement pas éveillés, ce ne sont pas ceux qu’il faut écouter.

* Rudd (Richard) (né en 1967) : mystique, poète et maître spirituel anglais. Un des premiers adeptes du Human Design, Richard Rudd a reçu par la suite la révélation du système des Gene Keys, qu’il enseigne depuis 2002.

15 mars 2015, Chiang Mai