Les quatre émotions divines, par Pierre Wittmann
L’enseignement du Bouddha parle de quatre émotions divines. Elles sont aussi appelées les quatre incommensurables ou les demeures des dieux. Parce que, lorsqu’on éprouve ces émotions, on vit dans la béatitude, comme les dieux. Ces quatre émotions sont l’amour, la compassion, la joie et l’équanimité. Ce sont quatre amies qu’il faut inviter à partager notre vie. En même temps, congédions les ennemis, les émotions négatives. Les quatre émotions divines répondent à toutes les situations sociales, pour éliminer les tensions et créer la paix. Elles sont une médecine pour l’esprit et le corps, un secret pour bien dormir et un moyen de faire du bien, à soi, aux autres, à la société, à l’environnement. Unies à la sagesse, elles produisent l’énergie et la clarté, la paix et l’harmonie, la libération de la peur et de la souffrance ; elles sont la source et l’essence de l’illumination.
L’amour
L’amour, ou amour bienveillant, est l’opposé de la haine et de l’égoïsme. Il est l’antidote de l’aversion. Il consiste à aider les autres à trouver le bonheur et la joie. Il ne faut pas confondre l’amour bienveillant avec l’attachement, l’affection ou la sensualité. Il ne dépend pas d’une personne digne d’amour ou d’une personne qui nous aime, mais de la capacité de notre propre cœur à donner de l’amour. Comme tout le monde cherche à être aimé, on peut le pratiquer toujours et partout ! L’amour bienveillant est différent de l’amour passionnel des romans, de l’amour instinctif des parents pour leurs enfants, de l’amitié pour ses proches et de la bonne volonté pour son entourage. C’est un amour inconditionnel, désintéressé, qui n’attend rien en retour ; un amour sans attachement, sans désir de posséder, sans préférences. Il s’adresse à tous les êtres, il est universel, illimité.
La pratique de l’amour bienveillant consiste à respecter tous les êtres tels qu’ils sont, leur droit d’exister ; à prendre le temps de les comprendre, de les écouter ; et à supprimer les barrières entre soi et les autres. C’est coexister paisiblement avec soi-même, avec autrui, avec l’environnement, avec les situations, sans créer de problèmes. La méditation de l’amour bienveillant consiste à envoyer de l’amour, non seulement à sa famille, ses proches et ses amis, mais aussi aux personnes avec qui on a des difficultés et même à ses ennemis. On peut également envoyer de l’amour à des groupes, des pays et à la planète entière. Et la personne à qui il ne faut surtout pas oublier d’envoyer quotidiennement de l’amour, c’est soi-même.
La compassion
La compassion est l’opposé de la cruauté et de la violence. Elle est l’antidote de la malveillance et de la méchanceté. Elle consiste à aider les autres à surmonter la souffrance. La compassion est active ; il ne faut pas la confondre avec la pitié, qui se contente de plaindre les autres tout en espérant que nous ne subirons pas leur sort. La compassion demande d’oublier ses préoccupations personnelles et de répondre à la situation avec ouverture, réceptivité, disponibilité, générosité et bienveillance, sans avoir peur, car on n’a rien à gagner ni à perdre. Ses fondations sont la compréhension de la loi universelle de la souffrance – les quatre nobles vérités – et l’expérience de notre propre souffrance.
La pratique de la compassion comprend tout ce que nous pouvons faire pour alléger la souffrance d’autrui, aussi bien les actions que la prière et la méditation. Une des formes les plus élevées de la compassion est la méditation de tonglen pratiquée par les bouddhistes tibétains. Tonglen consiste à échanger son propre bonheur contre les souffrances d’autrui. Cette technique permet de réaliser que notre bonheur, même si nous le donnons aux autres, ne s’épuise pas ; et que les souffrances des autres, si nous les prenons dans notre cœur, sont immédiatement consumées par le feu de notre compassion.
La joie
La joie, ou joie avec les autres, est l’opposé de l’envie et de la jalousie, mais aussi de l’affectation et de l’hypocrisie. Elle est l’antidote de la tristesse, du mécontentement et de la dépression. Cette forme de joie consiste à se réjouir du bonheur des autres, de leurs succès, de leur réussite matérielle, de leurs qualités, de leurs talents, de leurs bonnes actions, de leur foi, de leur réalisation spirituelle…
Lorsqu’on est soi-même dans la tristesse ou le désespoir et qu’on ne trouve rien de réjouissant dans sa propre vie, le meilleur moyen de changer son état d’esprit – et de retrouver la bonne humeur – est de partager sincèrement la joie et le bonheur d’autrui. Même lorsqu’on est seul, on peut pratiquer la méditation de la joie, en visualisant les réussites, les qualités et le bonheur d’autrui afin de faire renaître la joie dans notre cœur.
L’équanimité
L’équanimité est l’opposé de l’anxiété et de l’agitation. Elle est l’antidote des réactions émotionnelles, des désirs et des peurs. Il ne faut pas la confondre avec l’indifférence. L’équanimité est un état de conscience et d’attention parfaites. Elle perçoit tout et n’ignore rien, mais elle n’est pas affectée par ce qu’elle voit. Elle n’est pas distraite par les émotions ; et elle conserve toute son énergie et sa sagesse pour agir de façon appropriée. Dans l’équanimité, l’esprit est en équilibre, imperturbable ; il est détaché ; et il s’élève au-dessus des distinctions et des jugements. Sa fondation est la compréhension de l’impermanence, du non-soi et de la loi du karma.
L’équanimité consiste à maintenir notre équilibre émotionnel en face des situations agréables et désagréables ; à surmonter les extrêmes de l’attachement, de l’aversion et de l’indifférence pour les êtres et les objets des sens ; et à accepter les choses telles qu’elles sont. Elle nous apprend à contrôler nos émotions, par la discipline et l’attention, et à pratiquer la méditation dans l’action, c’est-à-dire à conserver notre calme et notre paix intérieure dans toutes les circonstances de la vie.
Les quatre émotions divines constituent la pratique essentielle du bodhisattva, le sage qui s’est engagé à aider tous les êtres et à les guider sur la voie de l’illumination.
Ce texte est un chapitre du Guide du bonheur pour le troisième millénaire, de Pierre Wittmann.